mardi 6 janvier 2009

Blocages

Quatre étudiants en cours ce matin. J'ai donc tout loisir de les observer, de les écouter. Je peux ainsi voir leur trouble quand je leur demande de lire, de parler dans une langue qui leur est étrangère. Je peux entendre leur silence quand ils n'ont rien à dire. Et je comprends que s'essayer à une langue qu'ils ne maîtrisent pas leur est impossible. Il n'y a que les audacieux qui osent, à juste raison. Les autres, plus nombreux, préfèrent se taire et passer pour des "nuls" plutôt que commettre des phrases, des idées, dont ils ne sont pas sûrs. C'est cela que le lis sur leurs visages, sur leurs lèvres aujourd'hui. Je lis leur désarroi.

Le texte comporte trop de mots, de structures ignorés pour pouvoir faire du sens pour eux. Pourtant je ne peux vraiment pas prendre plus simple, je dois les tirer vers le haut. Inférer n'est possible que si un mot, une phrase guident. Si tout est étranger, rien ne peut aider. Alors que faire ?

J'ai mêlé le français et l'anglais. J'ai demandé qu'ils me disent en français ce qu'ils comprenaient du texte étudié. J'ai applaudi quand ce qu'ils comprenaient était conforme aux mots, aux idées exprimés dans ce dernier. J'ai nuancé quand ils partaient loin, très loin de sa réalité. Et j'ai expliqué, en français et en anglais. J'ai donné des mots, des expressions, des structures pour qu'ils s'expriment en anglais et je les ai notés au tableau.

Puis je leur ai lâché la main et j'ai demandé qu'ils s'expriment seuls, sans moi, en utilisant toutes les aides dont ils disposaient maintenant. Ils l'ont fait , de bonne grâce, sans doute rassurés par ma présence bienveillante et mes encouragements enthousiastes.

Je suis sortie de ce cours de quatre étudiants, vidée, épuisée mais heureuse. J'ai eu le sentiment de les avoir aidés aujourd’hui... à prendre confiance en eux.


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4 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel sacerdoce !!! Tes efforts ne sont pas vains, un jour ou l'autre ils le reconnaîtront.
Bises CR

Marie Laure a dit…

Chère CR,
C'est connu que dans l'enseignement c'est comme dans la prêtrise, on est heureux quand ça sert..(d'os). Eh oui les profs ont de l'humour c'est connu aussi! Je plaisante mais en fait la reconnaissance sert de moteur pour tout le monde. Et c'est vrai que des : "Avec vous je comprends, moi qui étudie l'anglais depuis 9 ans", fait plaisir et nourrit. Mais ma motivation à enseigner est avant tout l'échange, le partage, et oserais-je dire l'amour de l'autre ?

Eveline a dit…

Bravo Marie-Laure ! Vous êtes sur la meilleure voie possible : essayer de comprendre le comportement des élèves au lieu de le juger, et les aider à construire leur savoir au lieu d'exiger qu'ils l'aient déjà...
Avez-vous déjà travaillé avec eux sur texte et traduction ensemble, pour les inviter à commenter les relations entre les deux ? Je sais, c'est de l'écrit, qu'un tabou discutable considère comme secondaire.
Contrairement à ce qu'on croit souvent, l'écrit en langue étrangère est plus facile que l'oral, lequel pose de redoutables problème psychologiques. L'écrit constitue en fait un support rassurant et une excellente entrée vers l'appropriaton de l'oral, qui reste un objectif essentiel, bien sûr.
En tout cas, bravo encore une fois !
Amicalement
Eveline

Marie Laure a dit…

Merci Eveline d’engager le dialogue avec moi. Vous évoquez le comportement des élèves et cela m’inspire une réflexion que je développerai très bientôt dans un billet intitulé: Les comportements des élèves.
Je suis d'accord avec vous quand vous dites que nous enseignants ne devons pas juger mais prendre nos élèves comme ils sont pour pouvoir mieux les aider.
De plus je serais ravie que vous me donniez plus d'informations sur le travail simultané sur le texte et sa traduction.
A bientôt