vendredi 27 février 2009

Correction des copies- du côté des profs

Ce billet fait suite au premier et deuxième billets sur la question

Me voici installée à mon bureau, celui en acajou donné par mon beau père, la tablette de chocolat à proximité, le crayon à la main et les copies devant moi.
J’ai d’emblée éteint l’ordinateur, rangé le casque qui me permet de converser avec des amis du bout du monde sur Skype et disposé les corrections et barèmes imprimés issus de mes dossiers virtuels, prête à officier.

Ce rituel m’est obligatoire si je veux être efficace car je déteste corriger mes copies.

Mais quel enseignant un peu expérimenté aime corriger des copies ? Il n'y qu'à écouter ce qui se dit dans les salles des profs à ce propos pour comprendre que personne n'aime le faire.

En ce qui me concerne je vois plusieurs raisons à cela.


Je sais déjà que j’ai trois, quatre paquets de 35 copies et que le temps que je vais devoir consacrer à les corriger sera important.
De plus c’est un travail solitaire qui nécessite chez moi une concentration de tous les instants et me prive du lien que j’entretiens avec les autres au travers de ma messagerie et d’Internet. Je sais aussi que je ne pourrai pas sortir l’esprit tranquille et que je devrai rester confinée chez moi. L'activation spontanée du rôle de Coach ( C ) qui est le trait principal de ma personnalité fait que je refuse d’être coupée des autres trop longtemps surtout quand la tâche à accomplir ne satisfait pas mes besoins, de lien et de grand air.

Je dois donc configurer mon mental de façon à développer mon rôle de Leader (L) pour anticiper les avantages pour mes élèves et pour moi de ces corrections. Enfin je dois activer mon rôle de Manager pour me confronter à la cruelle réalité, puisqu’elle me cloue chez moi mais constitue une partie du travail pour lequel je suis rémunérée.

Mais ce n’est pas la seule raison à mon maque d’envie de m’y coller.


Il semble que si j’ai du mal à m’y mettre c’est parce que l’image que j’ai du contenu des copies de mes élèves est négative. C’est comme si je savais à l’avance que j’allais trouver de quoi être contrariée, déçue, en colère, comme si elles n’allaient déclencher que des émotions négatives en moi.

Il serait intéressant de se demander pourquoi.

Plusieurs réponses sont possibles qui correspondent à plusieurs attitudes.

L’image négative que certains enseignants ont du contenu des copies de leurs élèves est extérieure à eux. Ils pensent que leurs élèves sont incapables de bien faire parce qu’ils sont « nuls » et qu’ils le resteront toujours. Pour eux leurs élèves s’ingénient à ne pas suivre leurs précieux conseils, à ne pas assimiler les cours qu’ils dispensent et tout ceci ne provoque que frustration, colère, découragement et abandon chez ces profs. Ils sont persuadés qu’il n’y a rien à faire, que la cause est perdue.

Ces enseignants ignorent les rôles de guide, de Leader (L) qu'ils peuvent jouer auprès de leurs élèves. Ils mésestiment leur pouvoir à les influencer dans le bon sens, dans le sens de la réussite. Ils ne voient pas l’espace privilégié que représente une copie d’élèves en termes de communication. Ils ne comprennent pas l’opportunité qu’elle leur donne de s’adresser à leurs élèves individuellement. Ce sont souvent les mêmes qui clament qu’ils ne sont pas là pour se faire aimer de leurs élèves, ignorant ainsi l’importance de la relation « affective » que certains élèves recherchent.

Ma réaction est différente.
Mais l’est-elle au fond ?
La peur d’être déçue de la performance de mes élèves est sans doute ce qui me freine pour corriger mes copies. La prestation donnée étant souvent le reflet de ce que j’ai enseigné en amont, concevrais-je une angoisse d’avoir mal enseigné ? Peut-être. Porterais-je en moi la responsabilité de chaque faute, chaque erreur, chaque manquement, chaque incompréhension de mes élèves et craindre de les voir écrits sur leurs copies, signifierait-il que je suis persuadée qu’ eux comme moi sont incapables de progresser ?

Dans ce cas effectivement corriger mes élèves prend un sens négatif puisque les deux exercices, le devoir comme sa correction seraient alors l’expression de nos incompétences notoires et surtout indélébiles.

Ne rien tirer de ce constat nous fige, les élèves et moi dans un rôle de victimes, consentantes et statiques.

Si la correction d’un devoir n'est vécue par l’élève et par le prof que comme la sanction d’un savoir non assimilé, d’un savoir-faire non acquis, elle ne sert à rien.

Combien d’élèves, soucieux de connaître la note attribuée à leurs performances se contentent de ranger ou de jeter leurs copies aussitôt après avoir pris connaissance de cette dernière ? Combien de professeurs après un discours général sur la qualité des devoirs, s’arrêtent-ils à la remise des copies. Combien de professeurs se contentent de donner une note chiffrée au devoir sans explication ni conseils pour progresser.

Dans ce cas, oui, la note est la sanction, l’évaluation de la prestation, bonne, moyenne ou mauvaise, un résultat d’examen. D’ailleurs dans les examens et concours, les copies ne sont jamais rendues au candidat. Alors pourquoi rendre les copies si elles ne servent que d’évaluations chiffrées ? La note suffirait.

Si je veux que la correction de mes copies soit utile et agréable,je dois donc configurer mon mental de façon à développer mon rôle de Leader (L) pour anticiper les avantages pour mes élèves et pour moi de ces corrections. Je dois aussi activer mon rôle de Manager pour me confronter à la réalité, puisqu’elle me cloue chez moi mais constitue une partie du travail pour lequel je suis rémunérée.

Il me faut donc changer l’image du contenu des copies de mes élèves pour m’installer avec enthousiasme à mon bureau. Je dois leur témoigner une confiance en leur capacité de me surprendre, de m'étonner, de me séduire et surtout de réussir. Je dis souvent à mes élèves que j’ai besoin qu’ils m’épatent, m’amusent, me séduisent par leurs écrits. J'ajoute aussi qu’ils n'oublient jamais que tout travail écrit a vocation d'être lu par un correcteur. Il convient donc de les soigner, le travail et le correcteur.

Si je ne supporte pas de rester clouée chez moi, seule, pourquoi ne pas essayer des lieux plus conviviaux pour corriger mes copies? Une terrasse de café, la table de la salle à manger, la cuisine, la chambre de ma fille peuvent aussi faire l'affaire.

Si j'investis un autre espace pour corriger mes copies, si j'adopte une image positive de leurs contenus, alors je pourrai prendre conscience de mon pouvoir de faire progresser mes élèves par cet acte.
Corriger deviendra un plaisir, stimulé par l'anticipation de la découverte des talents de mes élèves.
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